La Mort dans la Bande Dessinée (2) - Ces morts qui n’en étaient pas -


 

La Mort dans la Bande Dessinée (2)

Ces morts qui n’en étaient pas -

 

Suite à une période où la mort était tout simplement ignorée par les scénaristes et les dessinateurs, une époque où, pratiquement, personne ne pouvait mourir, ou tout du moins où la mort était « cachée » - ce qui est, il faut l’avouer, la négation même de la Bande Dessinée, cet art figuratif dont la raison d’être à la base est quand même de « montrer » -, nous arrivons donc à une nouvelle époque (entre 1940 et 1970) qui voit quelques scénaristes et dessinateurs osant jouer avec la mort.

C’est à dire qu’ils nous effrayaient en présentant des personnages comme étant « morts ». En fait, ils se contentaient le plus souvent de le suggérer par le texte plus qu’ils ne l’illustraient. Tout cela pour mieux nous surprendre par la suite. En effet, plus ou moins vite, on découvrait qu’il n’en était rien. Et notre crainte était ainsi dissipée lorsqu’on découvrait les supposés morts réapparaître quelques cases plus loin dans l’histoire, et aller beaucoup mieux.

Il faut dire ici que cette image de mort, lorsqu’elle était illustrée, était d’autant plus frappante à l’époque, vers le milieu du XXème siècle, où les BD paraissaient sous forme d’épisodes, planche par planche, dans des revues de BD comme le journal de Tintin ou de Spirou.

Essayez d’imaginer dans quel état psychologique se trouvait le jeune lecteur, ou la jeune lectrice, en voyant son héros préféré « descendu » par un coup de feu, étendu inerte sur le sol, laissé pour mort dans la dernière vignette d’une planche ... en page impaire, bien entendu. Ce qui signifiait – au mieux – un temps d’attente puisqu’il fallait tourner la page, ou – au pire – lorsque la case portait en plus le petit message « à suivre », imposait une longue semaine d’attente et d’angoisse. Et ne parlons pas des éventuels problèmes de santé des auteurs qui repoussaient, à l’occasion, la parution de la suite à plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Les feuilletons télé d’aujourd’hui, qui sont quotidiens, ne sont rien à côté de ça, quand il est question de torture psychologique et psychique.

Ce premier exemple est tiré de la série des Tintin, vous l’aviez reconnu. Il s’agissait de « L’Ile Noire » en l’occurrence, épisode paru en 1946.

Trop jeunes à l’époque, nous ne savions pas encore que les héros ne pouvaient pas mourir, au risque de mettre fin à la série entière.

Mais cette technique n’était pas nouvelle, je l’ai découvert plus tard. J’en ai, en effet, retrouvé un exemple dans la série « Les Malices de Plick et Plock » dessinée par Christophe en 1928.

Dans l’épisode intitulé « Les prouesses du docteur V’lan », le petit gnome, Plock, s’empale tout simplement sur une aiguille et est laissé pour mort. Il faudra plusieurs cases avant que le bon docteur V’lan ne le sauve en rebouchant le trou dans son thorax à l’aide d’un « solide bouchon » enfoncé à coups de marteau. Ouf, on l’avait échappé belle !

Par la suite, le procédé sera encore utilisé par Jacques Martin dans sa série Alix. Dans l’épisode intitulé « Le Sphinx d’or », paru en 1956, on nous annonce la mort du compagnon d’Alix, le jeune Enak, qui en fait réapparaîtra trois planches plus loin.

Grand adepte du « truc », De Gieter dans sa série « Papyrus », épisode « Le Maître des 3 portes » paru en 1976, nous fait clairement comprendre que Théti-Cheri, la fille du Pharaon, est donnée pour morte… mais je vous laisse deviner la suite. Oui, je suis aussi sadique qu’un scénariste du siècle dernier.

Par la suite, lorsque, bien vite, les mentalités auront changées, et que les tabous tomberont les uns après les autres dans les années 1960/80, ce procédé sera quasiment abandonné.

Les lecteurs avaient grandis et n’étaient plus aussi naïfs.

[à suivre ...]


 

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